Too weird to live, Too rare to die!

Un génie décalé en bute à Hollywood : Darren Aronofsky

 

On savait le cinéma américain de plus en plus frileux concernant la production de films sortant d’une façon ou d’une autre de l’ordinaire. Cette frilosité semble maintenant la censure financière ou de distribution, comme l’atteste de façon éloquente le dernier projet du jeune cinéaste virtuose Darren Aronofsky, dont le dernier film, The Fountain déjà mis en attente pendant près de 2 ans se trouve bloqué et non distribué à cette heure alors qu’il est définitivement fini, sous prétexte de trop grande bizarrerie. Il faut désormais s’appeler David Lynch ou Martin Scorsese, ou bénéficier du soutien d’une star en plein éclat pour mener à bien des œuvres autres que des standards rebattus ou des navets avérés. Aronofsky en fait l’amère expérience, après quelques années le vent en poupe. Son parcours est exemplaire (comme son travail, pour l’instant) et nous allons nous intéresser ici à un des cinéastes les plus étonnants des 10 dernières années aux Etats-Unis.

 

 

 

 

Darren Aronofsky naît en 1969 à Brooklyn, New York, USA et après une éducation juive classique (dont certains aspects se ressentent dans son œuvre) entre à la prestigieuse université d’Harvard où il étudie le documentaire, l’animation et la fiction. Il conclut son apprentissage en 1994 avec Protozoa, son film de thèse, dans lequel il commence à expérimenter les techniques visuelles et de réalisation qu’il utilisera dans ses films ultérieurs.

Il travaille ensuite sur un projet de thriller mathématique étrange et ambitieux qu’il va écrire lui-même avec l’aide de son (excellent) acteur principal Sean Gullette. En 1996, mettant à contribution tous ses amis et connaissances, il finit par réunir les 60 000 $ (somme ridicule dans le milieu du 7ème art) nécessaires à la réalisation de son projet : Pi. Film quasi-expérimental filmé en noir et blanc reversal (saturé et hyper-réaliste) en utilisant la technique du hip hop montage (scènes tournées au ralenti puis repassées à vitesse normale et utilisation maximale d’effets sonores), soutenu par une bande son électro break beat froide et mécanique sous la houlette de Clint Mansell (avec des titres entre autres d’Orbital, Autechre, Aphex Twin, Roni Size ou Massive Attack…), il narre le parcours de Max, brillant mathématicien atteint de migraines intolérables et affligé de sociopathie et de paranoïa à des degrés extrêmes, qui, persuadé que l’intégralité de l’univers peut être compris comme un code chiffré, travaille à l’identification de patterns (structures répétitives) dans le marché des changes. Un certain nombre de rencontres (avec des cabalistes numérologues et l’émissaire de requins de Wall Street notamment) va accélérer se recherches et faire sombrer sa vie dans le chaos. Film vertigineux sur l’univers, la folie et les mathématiques, Pi est une œuvre étrange et ambitieuse qui fait figure d’OVNI dans le cinéma américain des années 90. Soutenue par une équipe d’excellents acteurs (le mot est faible), le film entraîne le spectateur dans une sorte de gouffre tant visuel et sonore que conceptuel dont il est dur de s’échapper, même après la fin du film. Succès esthétique et artistique indéniable, Pi, réalisé avec un budget ridicule, va remporter de nombreux prix (dont celui de la mise en scène à Sundance 1998) dans divers festivals et étonnamment un certain succès public (tout est possible !) rapportant plus de 50 fois son budget d’origine rien qu’aux Etats-Unis. L’attention des studios se tourne alors vers Aronofsky, bombardé jeune prodige du nouveau cinéma américain.



Son film suivant bénéficiera donc de moyens autrement plus importants (sans être un block buster) et sera interprété par des acteurs plus connus. Ce 2ème long métrage, c’est Requiem For A Dream, adaptation hallucinée du livre très dur de Hubert Selby Jr., un des écrivains favoris de Aronofsky, sur la drogue, la dépendance et la déchéance. Interprété notamment par Jared Leto, Marlon Wayans et Jennifer Connelly (chacun dans un de leurs meilleurs, voire leur meilleur rôle) et surtout l’hallucinante Ellen Burstyn (nominée fort justement pour sa performance aux oscars 2001), Requiem For A Dream narre le trajet parallèle d’une mère obsédée par la télévision et poussée à prendre de plus en plus de pilules amaigrissantes (proches de l’ecstasy) et de son fils, sa copine et son ami dealer, accros à la cocaïne et à l’héroïne. Descente aux enfers filmée comme un acid test, c’est un film incroyablement dur sur la déchéance narcotique et la douleur de vivre. Accompagné une nouvelle fois par une musique électronique obsédante de Clint Mansell (assisté du Kronos Quartet), Requiem pousse plus loin encore que Pi les recherches formelles et les expérimentations visuelles et de montage du réalisateur, le tout aboutissant à un shocker qui se ressent comme un speedball en lendemain de cuite. Couronné par de nombreux prix, cette adaptation par l’auteur lui-même (il joue un petit rôle dans le film) et par Darren Aronofsky d’un des romans les plus puissants de Selby Jr. (avec Le Saule, peut-être) ne se regarde pas facilement en entier, mais laisse l’impression durable d’une œuvre forte, qui grave son empreinte au vitriol dans un coin de nos cerveaux, et de nos tripes. Le film, malgré sa violence et des interdictions aux mineurs dans de nombreux pays, connaît un succès assez important et devient rapidement (et à raison) un film culte. Malgré sa bizarrerie, la difficulté et l’exigence de son travail, Aronofsky est bien vu des studios, son statut de petit génie veinard s’amplifiant, et il semble que, surfant sur la vague du succès avec la relative confiance des studios et des producteurs, tout doive lui réussir. Grossière erreur. C’est justement à partie de l’année suivante, 2001 que tout va s’enrayer et que le jeune cinéaste va voir ses ambitions artistiques bloquées par le conformisme, la paranoïa et la pingrerie des décideurs d’Hollywood.  

Plusieurs projets lui tiennent alors à cœur, dont des adaptations de Comics, spécialement le Ronin de Franck Miller, dont il est un grand fan (le noir et blanc brutal de Sin City l’ayant par ailleurs inspiré pour son premier film, Pi). Mais c’est sur un autre, encore plus ambitieux, qu’il a lui-même écrit, un long métrage de science-fiction se déroulant à 3 époques différentes et d’une certaine complexité (en tout cas en regard de la moyenne de la production US) qu’il se lance en 2001, avec dans le rôle principal rien moins que mister Brad Pitt, ce qui lui vaut à l’origine le soutien des producteurs. Malheureusement, l’interprète de Tyler Durdan (Fight Club) va, pour d’obscures raisons, abandonner son rôle alors que le film n’en est qu’à ses tout débuts, et c’est le projet entier qui se trouve mis en attente pendant près de 2 ans. Malgré ce revers, Aronofsky se remet au travail, et écrit un scénario adapté de la bande dessinée Batman : Year One, de l’inévitable Miller, sur les débuts du super héros. C’est lui qui doit normalement réaliser le projet, mais, deuxième déception, c’est finalement Chritopher Nolan (réalisateur des excellents Memento et Insomnia) qui se voit au dernier moment bombardé à la tête du projet, sur un nouveau scénario, à priori beaucoup plus classique. Ce sera Batman Begins, sorti il y a quelques mois, et qui d’après nos infos ne devrait pas rester dans les annales ni des films de Nolan, ni de la cinémathèque mondiale. Qu’à cela ne tienne, Darren n’a pas dit son dernier mot, et c’est maintenant sur une adaptation des fameux Watchmen, comic apocalyptique et puissant de Moore (From Hell…) et Gibbons, qu’il planche, projet auquel avait aussi pensé, sans pouvoir le réaliser, Terry Gilliam. Les fans retiennent leur souffle, mais nouveau coup de théâtre, c’est le film de 2001 prévu avec Brad Pitt et interrompu 2 ans auparavant, maintenant intitulé The Fountain, qui est remis sur les rails, avec toujours Aronofsky au scénario et à la mise en scène, mais avec de nouveaux acteurs, notamment Hugh Jackman et Rachel Weisz. Deux ans de travail plus tard, ce film extrêmement ambitieux, se déroulant sur 1000 ans avec 3 histoires en parallèle, se déroulant respectivement en 1535, en 2500 et au début du 21ème siècle, et qui paraît user de la SF pour lancer quelques interrogations majeures sur l’humanité et le sens de son parcours, est enfin fini. De l’avis des quelques heureux qui ont pu le voir, c’est un film révolutionnaire et majeur, une œuvre cinématographique de grande ampleur, et peut-être le meilleur film du réalisateur. Quand sortira-t-il ? La question mérite d’être posée, car cela fait plusieurs mois que la Warner Bros en suspend la distribution, ne sachant visiblement qu’en faire. Qualifié de « Too weird », ce long métrage prometteur d’un des nouveaux prodiges du cinéma américain est actuellement bloqué sans date de sortie, alors que la post production est entièrement achevée. On croit rêver ! Non, Hollywood l’a fait, et cela situe le niveau de ce qu’est et doit être actuellement le cinéma pour les grands studios US. Consternant et aberrant. Il y a quelque chose de pourri au royaume du cinéma d’Oncle Sam, et ça n’a pas l’air de s’arranger. Affaire à suivre en tous cas. En attendant de meilleures nouvelles, reste à voir ou revoir ses deux premiers longs, et à découvrir Below, film fantastique de déroulant dans un sous-marin, co-écrit et produit par lui et réalisé par David Twohy, et qui semble, sans toucher au chef d’œuvre, être un film pour le moins intéressant.    

 

The Fountain est une odyssée sur le combat millénaire d'un homme pour sauver la femme qu'il aime. Son voyage épique commence dans l'Espagne du 16ème siècle, où le conquistador Tomas Verde (Hugh Jackman) débute sa recherche de l'Arbre de la Vie, l'entité légendaire censée apporter la vie éternelle à ceux qui en boivent la sève. A l'époque moderne, Tom Verde, scientifique, lutte désespérément pour trouver un traitement pour le cancer qui tue son épouse Izzi (Rachel Weisz). Astronaute du 26e siècle voyageant dans l'espace, Tom commence à comprendre les mystères de sa vie de plus de mille ans.

 

 

According to Warner Bros, Darren Aronofsky is the next Stanley Kubrick. It may be hard to believe that any filmmaker can be compared to what many consider the greatest filmmaker of all time. But Aronofsky’s new movie The Fountain starring Hugh Jackman and Rachel Weisz may very well prove Warner Bros claim correct. The Fountain combines elements of Braveheart, a love story and 2001: A Space Odyssey into one film where a man discovers the fountain of youth and all throughout history he tries to save the life of the woman he loves.

 

http://suicidegirls.com/words/Darren+Aronofsky+-+The+Fountain/